Coaching Legends est une série de portraits de coachs qui sont des rois et reines dans leur quartier et au sein de leur communauté. À travers cette série, on met en lumière des coachs ayant du street cred. On retourne à l’origine de leur succès.
Head coach des Cheetahs du Collège Vanier. Mentor pour la Black Canadian Coaches Association. Co-présidente de l’association des Black Football Coaches of Canada. Seule femme noire à la tête d’une équipe de flag football au pays.
Avec ce CV, on s’attendait à une longue réponse laborieuse lorsqu’on a demandé à Tara Mrakic en quoi consistait son travail auprès de ses jeunes athlètes.
« We teach about life. » résumera-t-elle simplement. Une réponse courte, mais qui en dit beaucoup sur la vision de la coach.
Une approche globale, qui va au-delà des X et des O et qui prend en considération la réalité propre à chaque athlète.
« En coaching, y’a pas de solution universelle. Faut trouver ce qui va motiver chaque personne, parce que c’est différent pour tout le monde. Faut réussir à créer une connexion. Ça n’arrivera peut-être pas tout de suite, peut-être même pas dans la première année. Mais à la deuxième, troisième année, on voit les jeunes vraiment s’ouvrir et se développer, et ça, c’est beau. »
Ce parcours de deux-trois ans, c’est ce qui différencie le travail de coach en milieu scolaire et celui de coach en milieu purement récréatif – les athlètes avec lesquelles travaille Tara ne sont pas que des athlètes, mais aussi des étudiantes. Une nuance importante.
« C’est à un moment charnière de leur vie qu’on rencontre nos joueuses. Elles ont 16-17 ans, c’est une période de grands changements et elles doivent s’adapter à plein de nouvelles choses en même temps. You know, t’arrives de chez tes parents à Terrebonne et là t’es à Montréal, dans une nouvelle école, peut-être seule, avec du monde qui ne te ressemble pas nécessairement, et tu dois trouver ton équilibre. »
« Une partie de la job, c’est d ’être accueillant et de créer un climat de confiance. D’appartenance. De famille. »
Ayant elle-même parfois cherché sa propre place, Tara est bien équipée pour accompagner les jeunes dans ce processus. C’est d’ailleurs probablement sa transparence sur son propre chemin parcouru qui fait que ses joueuses semblent si à l’aise de se confier à elle.
« Je pense que je coche beaucoup de cases aux yeux des joueuses. Je suis une femme, je suis noire, je suis gaie, je suis mariée, j’ai des enfants. Donc parfois, lorsqu’elles ont des questions sur leur identité ou leur futur, elles viennent vers moi, sachant que j’ai moi-même vécu tout ça. »
Et bien qu’elle ait pris un certain temps avant la découvrir pleinement, son identité à elle, Tara la considère aujourd’hui indissociable de son travail.
« J’ai été adoptée par des parents blancs. Donc ça m’a pris un moment me rendre compte que même si mes références et la façon dont j’ai été élevée étaient white, I’m still black. Quand les gens me voient, what they see is black. »
C’est cette réalisation qui a formé le rôle plus grand que souhaite aujourd’hui prendre Tara sur le terrain.
« Je sens que c’est ma responsabilité d’intervenir quand des gens dans les estrades disent des trucs comme ‘la numéro 5, là, la noire’. Like, appelle-la donc juste la numéro 5. C’est littéralement la seule place où les gens ont des numéros dans le dos, sers-toi s’en. »
Ce sentiment de responsabilité, il va plus loin que ça.
« Je veux aussi un all-black coaching staff. » ajoute-t-elle, solennellement.
Pour montrer que ça se peut. Pour donner l’exemple. Pour inspirer.
« C’est sûr que la performance fait partie de la game. On oublie que nous aussi, on a des émotions. Gagner en tant que coach c’est aussi exaltant qu’en tant que joueur. Et perdre, c’est aussi dévastant. Mais c’est pas juste about wins and losses. Je le vois chaque fois que je croise d’anciennes joueuses. C’est les souvenirs. C’est les amitiés. C’est ce qu’on apprend sur le terrain et qui restent avec nous par la suite: work ethic, punctuality, commitment, accountability, trust. »
Elle prend une courte pause.
« Si je peux faire la différence pour une seule jeune chaque année, pour moi c’est une saison gagnante. »
Rédigé par : Joshua Lessard
Crédit photo : Hamza Abouelouafaa