Le Québec est en pause. Mais pas les inégalités. À plusieurs égards, elles deviennent plus évidentes qu’avant. Examinons les afin de réfléchir à ce qu’il est possible de faire au service de l’égalité des chances.
Face au contexte d’isolement physique, mes collègues et moi avons pensé à une manière ludique de favoriser la solidarité entre les jeunes: le House Madness P3P, un tournoi virtuel invitant les équipes sportives à créer des vidéos les mettant en vedettes en jouant, non pas avec un ballon, mais avec un rouleau de papier de toilette!
Dix-huit équipes de toute la province se sont inscrites, issues du basket-ball au ballon-balai, en passant par le hockey et même la gymnastique! Les vidéos de la première ronde du tournoi sont plus impressionnantes les unes que les autres, et illustrent comment les jeunes peuvent recréer en ligne l’esprit sportif. Un franc succès. J’en suis fier.
Des obstacles à la participation?
Avec un bémol: alors que Pour 3 Points agit normalement au service des jeunes issus des milieux défavorisés, ils et elles semblent quasi-absent.e.s du tournoi.
Je ne connais pas de façon empirique la démographie des équipes participantes au House Madness P3P. Je constate néanmoins que des équipes inscrites, seulement l’une d’entre elles provient des équipes accompagnées par les coachs faisant partie de la communauté Pour 3 Points. Ces coachs-là mêmes qui, habituellement, interviennent dans des quartiers où la vulnérabilité sévit. Pourquoi cette participation anémique?
Bien sûr, nombre de facteurs peuvent expliquer ce constat, sans lien avec les inégalités socio-économiques. Je soupçonne toutefois qu’elles y sont aussi pour quelque chose.
Plusieurs des coachs auprès desquel.les nous œuvrons se trouvent présentement en situation précaire. Exercer son rôle de coach à distance, quand on est soi-même frappé.e par une perte d’emploi ou encore sous l’emprise du stress d’un travail essentiel à faible revenu, ce n’est pas évident.
Ensuite, plusieurs coachs nous ont rapporté la difficulté à entrer en contact avec les jeunes. Il s’agit là d’un défi normal lorsque les saisons sportives se terminent, mais est-ce aussi possible que certain.es jeunes soient dans un état de désorganisation tel que la communication devienne d’autant plus difficile? C’est mon hypothèse. Une vidéo de papier de toilette n’est pas la priorité si le réfrigérateur est vide, si la famille est en état de crise ou si la résilience s’épuise.
D’autres exemples d’inégalités socio-économiques
Une autre observation, indépendamment des taux d’inscription au tournoi, est que plusieurs familles n’ont pas accès à l’Internet, ce qui coupe certain.es jeunes du moyen de communication à distance le plus élémentaire en 2020. Un des coachs de notre cohorte de formation 2019-2020 me faisait part de ce problème. Quand je l’ai entendu, une partie à l’intérieur de moi est morte d’impuissance.
Voilà. Durant cette pandémie, un tournoi en ligne me fait à la fois sourire et réfléchir aux failles de notre société.
Pendant mon confinement confortable, j’éprouve une profonde tristesse pour ces jeunes plus vulnérables, ainsi que ceux et celles qui sont frappé.es le plus durement par la pandémie.
Ceux et celles qui, en raison de la pauvreté et autres phénomènes systémiques, souffrent de maladies chroniques les rendant particulièrement à risque face au virus. Ces personnes, souvent issues de l’immigration, qui doivent se déplacer pour travailler à bas salaires. Ces enfants de familles pauvres, qui n’ont pas toujours les ressources pour soutenir la pédagogie à la maison, hypothéquant ainsi leur éducation à plus long terme. Ça fait mal.
Des manifestations de solidarité
Heureusement, je vois dans mon entourage plusieurs lueurs de solidarité. Le programme Leaders Basketball à LaSalle a tout récemment amassé une somme de 10 000$ afin d’offrir à cent familles un certificat-cadeau de 100$ pour fins d’épicerie. Dès le début du confinement, des acteurs et actrices de changement comme Will Prosper ont dénoncé l’accès inégal au web à Montréal-Nord. Plusieurs leaders se penchent sur la question. Notamment, le Sommet socioéconomique pour le développement des jeunes des communautés noires soutiendra plus de 1000 jeunes et leurs familles pour se doter d’internet, d’équipements numériques et d’accompagnement dans leur utilisation.
Un baume, qui m’inspire à honorer davantage la raison d’être de Pour 3 Points qu’est l’égalité des chances. Mes collègues et moi sommes en réflexion en ce sens, et j’ai envie de vous partager les trois idées suivantes qui m’habitent:
- rendre plus accessibles nos principes de formation auprès des coachs;
- utiliser nos connaissances, expériences et compétences pour soutenir plus largement les capacités en leadership de tout individu ou organisation agissant au service de l’égalité des chances;
- utiliser notre voix afin de susciter des réflexions en lien avec notre raison d’être. Le présent texte en est un exemple.
Pour 3 Points vise à ce que tous.tes les jeunes aient la possibilité de développer leur potentiel pour devenir des adultes épanoui.es, résilient.es, en bonne santé et engagé.es dans leur communauté. Leur potentiel futur est, en fait, ta réalité ici et maintenant.
Que pouvons-nous faire, individuellement et ensemble, pour incarner, ici et maintenant, le potentiel futur d’être épanoui.e, résilient.e, en bonne santé et engagé.e dans ta communauté?
– Par Fabrice Vil, fondateur de Pour 3 Points –