Mercredi, je suis allé à l’Assemblée nationale du Québec en tant que lauréat 2019 du prix Reconnaissance jeunesse dans la catégorie « Éducation – intervenant » du Secrétariat à la jeunesse.
J’étais accompagné de la conseillère en développement philanthropique de Pour 3 Points, de notre gestionnaire aux réseaux sociaux et d’un ancien collègue et coach en formation de notre programme. Lui, c’est un lauréat 2018 du même prix, mais dans une autre catégorie: « Citoyenneté – intervenant ». L’an dernier, ce coach a reçu son prix en tant que fondateur de l’organisme Les Ballons intensifs, qui contribue au développement des jeunes issus de milieux défavorisés afin qu’ils deviennent des citoyens engagés et porteurs de changement dans leur communauté.

Fabrice Vil, en route pour l’Assemblée Nationale.
Un aller-retour Montréal-Québec avec trois personnes qui transpirent le succès.
Ericka Alneus. Rose Napoleon. Ernest Edmond Junior.
Leurs noms trahissent leurs origines haïtiennes. Les “H” – on dit “H” comme on dit “Keb” – savent qu’il n’y a pas plus “H” qu’Alneus, Napoleon et Junior. Pourquoi souligner par ce texte la présence d’origines haïtiennes chez Pour 3 Points?
Bien sûr, Pour 3 Points est une équipe composée de gens de divers horizons. Il y a l’ascendance canadienne-française, mais aussi des origines tunisiennes, polonaises, brésiliennes, sénégalaises et françaises. Voilà un volet de notre mixité que je tiens à saluer.
N’empêche que j’ai aussi un pincement au coeur en pensant aux jeunes qui composent la communauté P3P. Alors que nous oeuvrons en milieux défavorisés sans viser de communautés en particulier, il se trouve que 95% des jeunes de la communauté P3P sont immigrant.e.s de première ou deuxième génération au Québec. De cette statistique, le taux de jeunes d’origine haïtienne est disproportionnellement élevé.
La défavorisation a souvent une couleur particulière.
Je me réjouis donc que près de 50% des coachs certifiés ou en formation chez Pour 3 Points soient issus de la communauté haïtienne. Plusieurs jeunes trouvent en ces coachs des modèles qui leur ressemblent et qui peuvent créer des ponts entre leur réalité culturelle et celle de l’école.
De par mes propres origines, cette réalité attise ma passion. Une passion qu’on retrouve chez ceux et celles qui ont grandi au son du créole, de la musique de Micky et Tabou Combo. Une passion partagée par Rose, Ericka et Ernest.
Récemment, Rose m’a écrit ce message:
« en tant que Montréalaise d’origine haïtienne, travailler chez Pour 3 Points est plus qu’une fierté. J’ai la chance de faire partie d’une équipe qui contribue au bien-être des jeunes, soient les citoyens de demain. Puis en même temps, j’accomplis le rêve de travailler dans un organisme où le fondateur est lui aussi d’origine haïtienne. Avoir un fondateur qui me ressemble et qui comprend ma réalité me confirme que tout est possible et renvoie également une image à la société québécoise que les enfants issus de l’immigration veulent s’impliquer et contribuer à cette société pour la rendre meilleure. Et ça, ça m’émeut plus que tout. »
J’ai eu un frisson en lisant ce témoignage. Et je suis enthousiaste à l’idée que vous le lisiez.
Il n’y a pas si longtemps, je n’aurais pas osé écrire ce texte. Par crainte de m’exposer. Par souci d’inclusion de toutes les personnes qui construisent l’oeuvre de Pour 3 Points, d’origine haïtienne ou non.
Mais voilà qu’aujourd’hui, j’incarne différemment la notion d’inclusion. Ceci implique de dépeindre ouvertement le portrait de la défavorisation. De reconnaître que ce portrait, parce qu’il me ressemble à bien des égards, m’attriste particulièrement. D’honorer que par leurs origines semblables aux miennes, certaines personnes partagent mes sentiments d’une manière similaire à moi. D’ouvrir une fenêtre sur ce que je vois et ce que je vis à tout mon entourage, d’origine haïtienne ou non, pour que nous travaillions ensemble pour nos jeunes.
Parce qu’après tout, nous appartenons à la même grande famille de l’Humanité.
Vivre l’inclusion de cette façon me donne accès à une joie double. Premièrement, la joie de rendre hommage à la résilience de toute la communauté haïtienne au Québec. C’est en partie ce qui m’habite quand je pense à l’escapade de Rose, Ericka, Ernest et moi dans un endroit comme l’Assemblée nationale. C’est le symbole du rêve de nos parents et le résultat de leur sueur.
La deuxième joie est de savourer le fait que Pour 3 Points permette la rencontre des cultures, le tissage de lien, la création de ponts. L’éducation, l’inclusion, l’égalité n’ont pas d’origines. Ces principes nous appartiennent à tous et toutes.
C’est ce que j’ai eu envie de vous partager en ce Jour du drapeau haïtien. Pour le drapeau, pour la patrie. Sans oublier que sur ce drapeau, une chose est inscrite en toutes lettres: l’union fait la force.
Fabrice

Ernest Edmond Junior, Ericka Alneus. Rose Napoleon et Fabrice Vil.