Avec les mesures sanitaires et l’interdiction des activités parascolaires en raison de la COVID-19, la rentrée 2020 a été des plus particulières. Ces mesures ont notamment privé les coachs sportifs et les jeunes d’une partie importante de leur vie, soit la pratique du sport.

Mais alors que la série Sur le Terrain est habituellement une incursion dans le quotidien des coachs en formation Pour 3 Points, où l’on se penche sur le rôle qu’ils·elles peuvent jouer en l’absence d’entraînement et de compétition, on a décidé de braquer cette fois les projecteurs sur les jeunes.

En ces Journées de la persévérance scolaire, on vous présente donc un entretien avec la pétillante Rita Esinyade, une étudiante de 16 ans à l’école Henri-Bourassa, qui est arrivée avec sa famille du Nigéria en 2018. S’il y a une chose qui lui a permis de trouver ses repères rapidement dans ce nouvel environnement, c’est bien sa passion pour la danse. Elle suit d’ailleurs des cours au sein du programme Parle Avec Ton Rythme avec nos coachs en formation Fahimy Tatiana Prophete et Neheysha Lentza Parvelus depuis deux ans maintenant.

C’est pendant une journée pédagogique que Rita s’est livrée à nous avec spontanéité et authenticité. Une journée sans exercices à faire en ligne, sans longues heures à passer devant son écran d’ordinateur et sans avoir à tenter de résister aux tentations de la télévision tout près, ou du réfrigérateur qui la guette. Une rare journée de “congé-congé”, comme elle le dit si bien.

Photo: gracieuseté de Rita Esinyade


 Neheysha et Tatiana veulent qu’on fasse quelconque activité physique et qu’on se prenne en photo, pour qu’on les partage ensuite au reste du groupe. C’est une bonne façon de nous motiver entre nous, parce que comme ça quand je vois ce qu’une autre fille a fait, je me dis “si elle est capable, moi aussi je suis capable”.

Bonjour Rita! Et merci d’avoir accepté de me consacrer un peu de ton temps pendant ta journée de repos bien méritée. Juste pour nous situer, si tu as 16 ans, tu es donc en secondaire 4 ou 5, c’est bien ça?

En fait non, je suis en secondaire 3 parce que j’étais en classe d’accueil depuis mon arrivée au Canada, pour pouvoir pratiquer la langue française. En classe d’accueil, il y a vraiment des élèves de tous les âges, mais ça dépend surtout de ton niveau d’apprentissage du français. Si tu apprends vite, tu vas pouvoir aller au régulier vite, mais sinon ça peut prendre du temps. Moi ça m’a pris deux ans, et cette année c’est ma première année au régulier.

Wow, bravo d’avoir franchi une si grande étape en pleine pandémie! La qualité de ton français est super impressionnante pour quelqu’un qui n’a commencé à l’apprendre que tout récemment! Et comment se passe ta transition vers les cours réguliers?

Ce n’est pas exactement ce à quoi je m’attendais. En fait, je trouve ça plus facile que les classes d’accueil! Parce qu’en accueil on se concentre davantage sur le français et les maths, mais au régulier il y a des sciences, de la musique, tout est mélangé ensemble. C’est quelque chose, mais c’est plus facile selon moi.

Et je pense aussi que ça m’a aidé à mieux gérer la situation actuelle. Quand j’étais en accueil, tout était vraiment plus difficile. On devait être organisés, autonomes, faire des choses par nous-mêmes. J’imagine que passer par là m’a permis d’être mieux outillée aujourd’hui. Mais les profs nous aident beaucoup aussi, nous donnent de bons conseils.

À quel moment la danse est-elle entrée dans ta vie?

Je dansais déjà au Nigéria, mais c’était surtout pour le plaisir, pour jouer. Quand je suis arrivée au Canada, je voulais vraiment prendre la danse comme une passion et comme une profession éventuellement. Ici, je pratique plus souvent que d’habitude, je m’investie plus, j’ai vraiment envie de m’améliorer. J’aimerais vraiment devenir danseuse professionnelle, mais comme deuxième carrière. Je voudrais être psychologue, et en parallèle faire de la danse. Ça, ça ne va jamais arrêter.

Je fais surtout de l’afro, mais j’ai déjà pris des cours de hip-hop, de dancehall, de popping, de toutes sortes de styles de danse. Mais je préfère l’afro puisque je suis Africaine et c’est ce qui ressemble le plus à la danse de mon pays.

Comment as-tu réagi quand les activités sportives ont été suspendues et que tu as dû mettre sur pause une de tes plus grandes passions?

J’étais vraiment triste au début, surtout devant l’inconnu. On ne savait rien, et on ne sait toujours pas quand est-ce que ça va réellement reprendre. Avant, on avait trois cours de danse en personne par semaine! C’est pour ça que j’ai tout de suite commencé à prendre des cours virtuels quand la pandémie a commencé, pour ne pas oublier comment danser, pour que la vie continue “normalement”. J’ai des amies danseuses qui m’ont envoyé des suggestions de profs de danse à suivre sur les réseaux sociaux, des profs qui font des lives sur Instagram, des vidéos de chorégraphies à pratiquer en ligne, etc. Je ne voulais pas arrêter complètement.

Qu’est-ce que tes coachs ont trouvé comme solutions pour ne pas que votre groupe Parle avec ton rythme perde contact?

On a un groupe Facebook et Instagram sur lequel on se parle tout le temps. On n’a jamais arrêté de se parler. On est toujours ensemble, même de loin. Et éventuellement, Tatiana et Neheysha se sont dit qu’elles aussi devraient poursuivre nos cours en ligne pour qu’on se retrouve, qu’on ait nos moments toutes ensemble malgré la situation. Elles nous ont jumelées, deux par deux, pour qu’on apprenne à se connaître. On a commencé comme ça, on s’envoyait des messages, des textos. Maintenant que tout le monde s’est rapproché, on est vraiment plus comme des sœurs. Et depuis environ janvier, on a recommencé à danser officiellement, à apprendre des chorégraphies. Tous les samedis.

Aussi, tous les jours j’essaie de sortir marcher, même parfois juste pour cinq ou 10 minutes. C’est notre devoir chaque jour; Neheysha et Tatiana veulent qu’on fasse quelconque activité physique et qu’on se prenne en photo, pour qu’on les partage ensuite au reste du groupe. C’est une bonne façon de nous motiver entre nous, parce que comme ça quand je vois ce qu’une autre fille a fait, je me dis “si elle est capable, moi aussi je suis capable”.

Tes coachs Neheysha et Tatiana sont présentement en formation Pour 3 Points, mais tu les connaissais déjà avant qu’elles ne l’entament. As-tu vu une différence dans leur approche?

Elles n’ont pas vraiment changé, elles ont toujours été très douces et calmes avec nous. Quand on a commencé à faire plus de spectacles, ça voulait dire qu’on allait aussi devoir se pratiquer encore plus. Avec ça, l’école, le travail, ça faisait beaucoup, mais elles restaient toujours positives et encourageantes. Elles nous motivent, nous poussent à continuer, à nous améliorer. Elles nous donnent des conseils, elles donnent tout. Elles prennent le temps de nous demander comment ça va à l’école, parfois on ne fait même pas de danse et on fait nos devoirs à la place, des fois on parle de notre vie… et je remarque que c’est encore plus prononcé aujourd’hui. Elles font plus attention, elles nous répètent souvent qu’elles sont là pour nous.

Quand la vie reprendra son cours, qu’as-tu le plus hâte de faire à l’école ou par rapport à tes cours de danse?

Pour ce qui est de l’école, j’ai vraiment hâte de revoir mes amis. Je n’aime pas vraiment étudier toute seule, j’aime le faire en groupe. On parle, on s’aide. Et en danse, j’ai juste hâte de revoir tout le monde. Il y a des filles que je n’ai pas vues depuis mars dernier! J’ai hâte qu’on danse toutes ensemble, ça me manque beaucoup.

Ce que l’expérience de Rita nous apprend

Les jeunes ont leur lot de défis à surmonter depuis près d’un an, et ils·elles réussissent à les relever les uns après les autres avec brio grâce à leur résilience et leur débrouillardise. Mais heureusement, ils·elles peuvent aussi compter sur tout un réseau d’aide afin de garder le focus. De leurs enseignant·e·s à leurs parents en passant par leurs coachs sportifs et professeurs de danse, si le vieil adage dit qu’il faut “tout un village pour élever un enfant”, eh bien il faut clairement aussi “tout un village pour permettre aux jeunes de naviguer à travers les tourments que cette pandémie a occasionnés”.

Pour soutenir la formation de coachs sportifs qui auront un impact positif dans la vie des jeunes comme Rita, vous pouvez contribuer à la campagne annuelle de Pour 3 Points.

Texte par Emna Achour