“Papa a changé le monde!”

Ce sont les mots qu’a prononcés Gianna Floyd, la fille de George Floyd, quelques jours après la mort de son père le 25 mai 2020 et qui ont fait le tour de la planète. Alors âgée de 6 ans, la petite GiGi ne le savait pas encore, mais elle n’aurait pas su mieux résumer l’héritage laissé par son Papa à la suite de sa mort tragique. Une autre. Une de trop.

Personne n’est resté indifférent et notre communauté Pour 3 Points, où les coachs et jeunes sont en forte proportion issus des communautés noires, n’y fait pas exception.

Un an plus tard, alors que partout à travers le monde est célébré le triste anniversaire de la mort de George Floyd, il était important pour nous de ne pas oublier et de continuer à faire résonner ce message: la vie des Noir·e·s compte.

En plus de catalyser des changements qui s’observent chez Pour 3 Points en tant qu’organisation, ce sombre événement a aussi eu un impact sur le terrain, chez nos coachs. Nous leur avons donné la parole afin de savoir quelle incidence il avait eu dans leur vie personnelle, dans leur manière de coacher leurs jeunes et dans leur engagement communautaire.

Sensibiliser les jeunes autrement

Katarina Radovanovic, coach de basketball à l’École Le Carignan qui vient tout juste de compléter son programme de certification Pour 3 Points, a toujours été sensible aux enjeux liés au racisme. Mais ces images qui ont fait le tour du monde d’un George Floyd agonisant sous le genou d’un policier, même pour une personne bien au fait des injustices et des combats à mener, ont eu l’effet d’une bombe.

Katarina (à droite) lors de la retraite en nature Pour 3 Points, août 2020. Crédit photo: Napoleon Communications

“C’était choquant, a résumé Katarina. La vague que ç’a déclenché… d’un côté j’ai envie de dire que c’est la goutte qui a fait déborder le vase, mais le vase débordait déjà depuis longtemps.

“De mon côté, je n’ai pas pu participer aux manifestations organisées en soutien parce que je travaillais chaque fois, mais j’ai signé plusieurs pétitions, j’ai relayé plusieurs infos sur les médias sociaux et ça m’a encouragé à faire des dons pour la première fois de ma vie. J’ai entre autres donné à la Maison d’Haïti, à Hoodstock et à l’Association de la Communauté noire de l’Ouest de l’Île.”

Katarina est impliquée dans sa communauté depuis son tout jeune âge, ce qui lui a permis d’être sensibilisée très tôt aux différentes réalités qui l’entourent. Mais c’est à l’adolescence qu’elle s’est rendue compte qu’il y avait beaucoup plus à comprendre que ce que les jeunes apprennent sur les bancs d’école, la menant éventuellement à lancer Neo Collège, une plateforme d’éducation populaire ayant pour but d’accompagner les 14-18 ans à travers leur transition vers la vie adulte.

“On a toujours des biais par manque de connaissances, a évoqué Katarina. Par exemple, quand on était jeunes, ç’a pu nous arriver de faire des commentaires sur la nourriture d’un autre élève ou sur les tresses ou les cheveux d’un autre élève. C’est vraiment par manque de culture. Avec ma plateforme, on veut vraiment déstigmatiser ces thématiques. Ce ne sont pas des sujets nécessairement abordés à l’école, alors on veut essayer de le faire pour sensibiliser les jeunes autrement.

“J’ai déjà été témoin d’un incident raciste dans le métro et je n’ai pas su comment réagir. J’ai fait mes recherches et j’ai trouvé une BD qui expliquait quoi faire dans ce genre de situation.
C’est quelque chose qui s’apprend. On n’est pas obligés, mais si on veut aider, c’est important qu’on s’éduque nous-mêmes.”

La responsabilité d’en parler

Yanni Junior Pierre, également coach de basketball et issu de la même cohorte 2020-21 de coachs certifiés Pour 3 Points que Katarina, s’implique lui aussi avec le Neo Collège.

Dans les jours qui ont suivi le 25 mai 2020, même si Yanni a apprécié l’élan de solidarité de la communauté, c’est rapidement un sentiment d’insécurité qui l’a envahi et il a tout de suite voulu éviter qu’un incident pareil arrive à d’autres jeunes, à son petit frère ou à ses cousins.

Yanni (à gauche) lors de la retraite en nature, août 2020. Crédit photo:  Napoleon Communications

“On ne sait jamais quand ça va arriver, on ne sait jamais si on va être la prochaine victime, a-t-il dit. Mon engagement a surtout changé sur les médias sociaux. Je prenais plus la parole. J’ai surtout voulu faire connaître la cause et rappeler qu’il y a parfois des gens qui abusent de leur pouvoir, alors c’est important pour tout le monde de connaître ses droits.”

Yanni a aussi réalisé qu’il voulait prendre une part de responsabilité à mettre en lumière les injustices qui surviennent autour de lui.

“Il faut les partager et en parler même si ce sont des conversations difficiles à avoir, a-t-il ajouté. Ce que je veux faire en collaborant avec Katarina et Neo Collège, c’est l’aider à présenter son projet parce qu’il y a beaucoup d’infos qui pourraient aider les jeunes. Par exemple, comment réagir quand tu te fais interpeller par la police. C’est une chose qu’ils n’apprennent pas vraiment à l’école. Maintenant, chaque fois que je vois quelque chose qui m’outre, je sens une responsabilité de partager pour que les gens soient au courant de ce qui se passe vraiment, de ce à quoi ressemble la réalité pour les personnes racisées.”

C’est notamment grâce au travail acharné de personnes comme Katarina et Yanni, engagées auprès des jeunes qu’ils guident autant dans le sport que dans leur vie de tous les jours, que les puissants mots de Gianna Floyd continueront de résonner et que le décès tragique de son père ne sera jamais oublié.

Un texte écrit par Emna Achour