Charles Dubé-Brais est assistant coach avec les Raptors 905, le club-école des Raptors de Toronto. Étant l’un des Québécois à avoir atteint les plus hauts niveaux de coaching, il est une référence dans le milieu du basketball. Dans le cadre de la première entrevue de la série Coach en confinement, Fabrice Vil s’est entretenu avec lui afin de recueillir ses conseils pour faire face à cette période inédite dans le monde du sport.

1-Se concentrer sur ce qu’on peut contrôler durant le confinement 

Lorsqu’il est question du confinement et des répercussions du COVID-19 dans le monde du sport, Charles n’y va pas par quatre chemins : la situation actuelle n’a pas de solution immédiate et personne ne sait combien de temps elle durera. Pour plusieurs, cela peut générer du stress et de l’anxiété face à l’avenir.

Pour faire face aux incertitudes provoquées par la pandémie, Charles propose de se se concentrer sur les aspects que l’on peut contrôler pour rester dans le moment présent.

Selon lui, la meilleure façon de traverser cette épreuve est de porter son attention sur les actions concrètes qu’on peut poser aujourd’hui afin de se rapprocher de notre objectif ultime. Dans un contexte de grande incertitude, exercer une forme de contrôle sur nos accomplissements au jour le jour tout en gardant une vision de l’objectif à long terme peut aider à rester fort mentalement.  

Les journées que nous passons à la maison n’ont pas à être perdues. Elles sont au contraire l’occasion de travailler sur une multitude d’aspects du coaching auxquels on n’a pas nécessairement le temps de s’attarder en saison régulière ou hors saison. 

Peu importe le niveau ou le sport, le travail de coach implique beaucoup d’analyse et de réflexion. Que ce soit par l’analyse vidéo pour déceler les tendances des joueurs, l’approfondissement de connaissances sur différents aspects du jeu ou la lecture de livres sur le coaching et le leadership, des gains peuvent être faits durant cette période. Par ailleurs, Charles recommande d’en apprendre davantage sur le Premier ministre britannique Winston Churchill pour tirer des leçons de leadership d’un des personnages les plus influents de la Seconde Guerre mondiale. Alors que son pays était sur le point de céder à l’ennemi, Churchill a réussi à rallier des dizaines de millions de citoyens grâce à ses qualités d’orateur, mais surtout grâce à ses convictions profondes. Il a été un leader exceptionnel en temps de crise dont tout coach peut apprendre. 

Ce temps libéré permet également de profiter des plaisirs de la vie qui nous manquaient dans notre quotidien d’auparavant. Pour sa part, Charles profite du confinement pour passer plus de temps avec ses enfants, chose qui lui manque énormément lorsqu’il est sur la route pendant la saison. 

Nous ne récupérerons pas les journées passées en confinement. Mieux vaut en tirer pleinement parti. 

2-Les meilleurs coachs bâtissent des relations avec leurs athlètes

Un coach qui aspire à contribuer au développement global de l’athlète doit bâtir une relation avec elle ou lui. C’est d’ailleurs ce qui fait la marque des meilleurs coachs, selon Charles. ll cite en exemple Gregg Popovich et Phil Jackson, reconnus pour leur approche humaniste du coaching et figurant parmi les meilleurs coachs de l’histoire. 

Le rôle du coach est de créer un environnement propice au développement du jeune et de lui donner tous les outils dont il a besoin pour atteindre ses rêves. Pour ce faire, le coach doit être conscient de l’environnement culturel et familial dans lequel l’athlète a grandi. Cette composante psychosociale a une énorme influence sur l’approche à privilégier pour que le jeune atteigne son plein potentiel. «À mon avis, c’est compliqué d’avoir du succès dans les différents milieux où tu coaches si tu n’es pas un peu curieux du milieu d’où proviennent les jeunes, de leur background, de leurs aspirations, explique Charles, qui a coaché des athlètes provenant de plusieurs cultures différentes au cours de sa carrière. Ce sont des êtres humains qui se sont développés, qui sont des produits de leur environnement.»

Charles fait un parallèle avec les méthodes parentales qui sont fortement influencées par notre culture: « Est-ce qu’un parent français, un parent californien ou un parent haïtien parle de la même façon à leur jeune? Ça a un impact sur le coaching.» 

Charles ajoute qu’au-delà de la gestion de l’environnement d’entraînement et de compétition, il lui revient également de savoir comment stimuler l’athlète. 

Certains répondent mieux à un ton calme et posé alors que d’autres ont besoin de tough love.

Pour illustrer son point, il donne l’exemple d’un joueur qu’il a coaché en France et qui joue maintenant au niveau professionnel. Charles l’a pris sous son aile dès son recrutement en Guyanne et a rapidement développé une relation solide avec lui. Après plusieurs mois à le coacher selon ses méthodes habituelles, Charles a remarqué que ce joueur avait développé une certaine complaisance, qu’il ne donnait pas son effort maximal dans ses cours et à l’entraînement. Pour qu’il se ressaisisse et comprenne que sa présence au sein de l’équipe était en jeu, Charles a dû employer des paroles très dures qu’il n’avait jamais utilisées auparavant. Ce n’est qu’à partir de ce moment que ce joueur a commencé à offrir des performances à l’image de son talent et de son potentiel. Cette histoire est un exemple concret qu’une approche unique en coaching ne fait pas à tous les athlètes.

Dans tous les cas, Pour 3 Points considère qu’on ne peut savoir quelle méthode emprunter que si on a établi une relation avec les jeunes, une dimension du coaching mise de l’avant dans les programmes de formation de Pour 3 Points. 

3-Un coach établit son leadership par sa compétence

Un leader ouvre la voie vers des horizons que d’autres n’entrevoyaient pas. Pour y parvenir, il doit être fort de ses convictions et savoir les communiquer. Son rôle prend d’ailleurs tout son sens en temps de crise.

Durant cette période de crise, le coach sportif a un rôle significatif à jouer auprès des jeunes. Il peut entre autres les amener à prendre conscience du rôle qu’ils ont à jouer pour limiter les effets de la pandémie.

D’un point de vue de leadership général, Charles donne l’exemple de Becky Hammon, assistante-coach des Spurs de San Antonio avec qui il a eu la chance de travailler durant les ligues d’été de la NBA. 

En tant qu’une des quatre femmes coach dans la NBA, elle fait figure d’exception dans un milieu à prédominance masculine et se trouve de facto en position de leadership. De par sa vision incisive du jeu, elle est parvenue à être considérée par ses pairs et les meilleurs joueurs de la ligue comme une coach, plutôt que comme une femme coach. Elle est considérée d’abord et avant tout pour ses compétences.

Ce qui distingue Becky Hammon de ses pairs, c’est son expérience en basketball féminin. «Les femmes développent un oeil sur le jeu qui est un peu différent, fait remarquer Charles. Quand elles sont joueuses, elles ne peuvent pas s’appuyer que sur des qualités athlétiques, sur la vitesse ou sauter plus haut que les autres. Forcément, elles sont obligées d’exécuter des détails à un niveau qui est peut-être supérieur à ce que les hommes font. Quand elles font la transition en coaching, elles voient beaucoup de petits détails qui, pour les femmes sont l’essentiel de leur jeu parce que si elles n’ont pas ça, elles ne survivent pas.» 

Hammon transpose ces éléments techniques et tactiques qui font la marque du jeu féminin à celui des joueurs de la NBA qu’elle coache. Son expertise permet aux joueurs de la meilleure ligue au monde de voir leur jeu sous un autre angle et de trouver des manières de le rehausser d’un cran. C’est de cette manière qu’elle s’est méritée une place incontestée chez les Spurs de San Antonio et a gagné le respect des Tony Parker et des Tim Duncan de ce monde.  

Malgré qu’elle ait eu l’opportunité de prendre les rênes d’équipes féminines, Becky Hammon a fait le choix de demeurer dans la NBA pour ouvrir la voie à d’autres femmes comme elle qui rêvent d’y faire carrière.

4-Croire en ses rêves et prendre les moyens de les réaliser

On dit souvent que la ligne est mince entre le courage et la folie. Lorsque Charles a décidé d’abandonner ses études universitaires en psychologie pour faire carrière comme coach de basketball, son entourage était d’avis que cette décision relevait de la folie. Quand on lui disait qu’une personne sur 10 000 réussissait à atteindre les hautes sphères du coaching professionnel en basketball, il leur répondait: « Tant pis pour les 9999 autres. Il y en a un qui va y arriver et je vais tout faire pour que ce soit moi. » Une quinzaine d’années plus tard, on peut dire que Charles a gagné son pari.

Le parcours de Charles l’a d’abord amené à Québec, puis en France au centre de formation de Nanterre où il a été coach durant huit ans. Entretemps, il a été approché par les Spurs de San Antonio pour prendre part à la ligue d’été à quelques reprises, avant d’effectuer un séjour d’une saison dans la Asian League en Chine. En 2018, il a rejoint à titre d’assistant-coach les Raptors 905 dans la G League, lieu de formation tant pour les joueurs que les coachs qui aspirent à la NBA. 

Ces succès ne sont pas dûs à la chance ni au hasard. Ils sont le fruit de plusieurs années de travail et de sacrifices à la poursuite d’un rêve. Charles est la preuve que lorsque l’on prend les moyens de croire en ses objectifs, rien n’est hors de notre portée. 

Pour voir l’entrevue avec Charles, cliquez ici

Article rédigé par Stéphanie Lojen

Source photo: Le Soleil, Yan Doublet